C-Vague.s 2022

 Note sur la série "Vague" 2020-2022

«C’est du nouveau toujours vieux, et du vieux toujours nouveau» *(1)


 Les installations "Divagué.e.s", "Elle Ael", "Cabossé.e.s", "Portrait par Trois", "Ombre Au Coin", " Poché.e.s" , " Relecture  en Ombre", " Ombres en Mouvement" , " A L'Orée", "Re- Coin" sont  regroupées sous l'intitulé  "C.Vague.S" : cette friction entre vent et eau, parlent de ma tante diagnostiquée schizophrène au début des années 50. J’ai passé un mois auprès d’elle et ma grand-mère à Brest entre mes 7mois et demi à 8 mois et demi . Mais cela ne m’a jamais été dit, rapporté.

 

 Après avoir subi les traitements psychiatriques annihilants de cette époque, ma tante a passé la majeure partie de sa vie à l’hôpital psychiatrique de Morlaix .

Dans les années 1980, suite à des études d’art plastiques avortées, j’ai décidé de me lancer dans «la vie dite active». Par ma voisine de palier, j’ai eu connaissance de la profession d’infirmie.è.r.e de secteur psychiatrique dont les études étaient rémunérées. ( ce qui n’est plus le cas depuis 1992) et m’y suis engagée.

    

Durant près de trente années, parallèlement à mon activité d’artiste plasticienne, j’ai donc, pratiqué celle d’infirmière de secteur psychiatrique puis d’art thérapeute, profession me permettant aussi de financer ma pratique artistique. Restant consciente de leur inadéquation et opposition: l’une liée au désordre de la créativité et l’autre à l’ordre du savoir et de l’institution, j’ai choisi de les allier, de leur trouver des correspondances bilatérales, notamment entre processus de créativité et reconstruction identitaire (*2) tout en interrogeant les principes d'unité et d'harmonie. 

 A la mort de ma tante en mai 2008, j’ai récupéré spontanément ses affaires: c’est à dire une valise pleine de photographies. La plupart représentaient des personnes que je ne connaissais pas, car durant ma jeunesse nous n'avions pas rendu visite à cette branche de la famille.

 Tout long de ma vie, je suis née en 1956, je n’ai pas compris tous ces noeuds qui me rattachaient à ma tante et au sol breton, pourtant cela n’a cessé de m’appeler dans ma chair, de me surprendre tout en dépassant mon entendement. Je constatais juste une sorte d’analogie, correspondance ayant souvent eu une relation privilégiée avec des patients souffrant de schizophrénie et une attirance toute particulière pour les théories sur l’origine du lien.

 Ces photos aux dates et aux lieux précis.e.s inscrit.e.s à leurs dos, je les ai regardées à maintes reprises sans rien y voir de particulier. Le confinement de 2020 m’a fait m’attarder sur elles et permis de les regarder plus longuement.

Et c’est là que j’ai compris ce mois heureux et cet accès au bonheur que ma tante m’avait transmis, cette trace indélébile laissée dans mon être: esprit et corps confondus.

     

Ces installations faisant partie d’une même série «Vague» ont comme point de départ des photos que ma tante a conservées près d'elle tout au long de sa vie. J’ai conçu cette série comme un "dialogue  entre eau et vent ", où les images de ma tante se mêlent aux miennes au travers de sculptures, d'installations: une façon de joindre nos mémoires, nos histoires en un nouveau récit, de donner corps à une vie restée dans l'ombre institutionnelle. Pour cette série, l'ombre se transforme en source de lumière, celle qui éclaire et reconnait. Liés à la rencontre de l'eau et du vent créant ce mouvement perpétuel de flux et reflux , les installations  de la série C- Vague.S sont comme d'éternels retours où  «C’est du nouveau toujours vieux, et du vieux toujours nouveau» (1)*.


(*1)Auguste Blanqui - L’Éternité par les astres, 1872

(*2) Succintement, lors de phénomènes de décompensation psychique, différents procédés de reconstruction que ce soit l’onirisme, la fabulation, les hallucinations, les interprétations peuvent s’apparenter à des procédés plastiques comme l’analogie, le détournement, la métaphore, le cut up etc. Dans les deux cas un principe associatif singulier relie les constituants entre eux pour accéder à un récit, qualifié de délirant, donc incompréhensible, dans une approche psychiatrique et de poétique dans le domaine de l’art en général. En tant qu’art thérapeute, ma pratique plastique, liée au monde de l’image et de ses associations, m’a permis d’accéder à ces mondes imaginaires, de les ressentir, de les considérer avant tout sous leur aspect poétique et ainsi de les reconnaitre comme récit communicant. M’en inspirant, j’ai toujours été intéressée par l’alliance paradoxale des éléments qui  remettent en question les notions de causalité, d’univocité,  et à leurs liens «inhabituels» ouvrant, à mes yeux, de nouveaux espaces et possibles.



The installations "Divagué.e.s", "Elle Ael", "Cabossé.e.s", "Portrait par Trois", "Silhouette Au Coin", " Poché.e.s" , " La Sillhouette relit", " Ombres en Mouvement" , " A L'Orée", "Re- Coin" grouped under the title "C.Vague.S" speak of my aunt diagnosed with schizophrenia in the early 1950s. I spent a month with her and my grandmother in Brest between my 7 and a half to 8 and a half months. But that was never told to me.

 After undergoing the annihilating psychiatric treatments of that time, my aunt spent most of her life in the Morlaix psychiatric hospital.In the 1980s, following abortive art studies, I decided to be part of "the so-called active life". Through my next-door neighbor, I learned about the nursing profession in the psychiatric sector whose studies were paid. (which has not been the case since 1992) and got involved.

For nearly thirty years, parallel to my activity as a plastic artist, I therefore practiced that of nursing in the psychiatric sector and then of art therapist, a profession which also allows me to finance my artistic practice. Remaining aware of their inadequacy and opposition: one linked to the disorder of creativity and the other to the order of knowledge and the institution, I chose to combine them, to find bilateral correspondences, in particular between process of creativity and identity reconstruction (* 2) while questioning the principles of unity and harmony.

 When my aunt died in May 2008, I spontaneously picked up her things: a suitcase full of photographs. Most of them were from people I didn't know, because in my youth we never visited this part of the family.

Throughout my life I was born in 1956, I did not understand all these knots that attached me to my aunt and to Breton soil, yet it never ceased to call me in my flesh, to surprise me while beyond my comprehension. I was just seeing a sort of analogy, correspondence that often had a special relationship with patients with schizophrenia and a particular attraction to theories about the origin of the emotional  connection.

These photos with the precise dates and places inscribed on their backs, I looked at them many times without seeing anything in particular. The 2020 lockdown made me dwell on them and allowed me to look at them at greater length.And that's when I understood this happy month and this access to happiness that my aunt had transmitted to me, this indelible mark left in my being: mind and body combined.

These installations that are part of the same "C.Vague.S" body of work served as a starting point for photos that my aunt kept close to her throughout her life. I designed this series as a "dialogue between water and wind", where the images of my aunt are intertwined with the women through sculptures, installations: a way to join our memories, our stories in a new account, of give body to a life left in institutional shadow. For this series, the shadow is transformed into a source of light, the one that shines and is recognized. Linked to the meeting of water and wind creating this perpetual movement of ebb and flow, the "C-Vague. S" installations are like  eternal return  where "This is the new always old, and of old always new ” (*1).


(*1)Auguste Blanqui - L’Éternité par les astres, 1872

(* 2) Succinctly, during psychic decompensation phenomena, different reconstruction processes whether it is dreamlike, fabulation, hallucinations, interpretations can be likened to plastic processes such as analogy, diversion, metaphor , the cut up etc. In both cases, a singular associative principle links the constituents together to access a story, qualified as delusional, and therefore incomprehensible, in a psychiatric field and poetic in art in general.  As an art therapist, my plastic practice, linked to the world of the image and its associations, allowed me to access these imaginary worlds, to feel them, to consider them above all in their poetic aspect and thus to recognize them as a communicating story. Inspired by this, I have always been interested in the paradoxical alliance of elements that question the notions of causality, univocity, and their "unusual" links opening, in my eyes, new spaces and possibilities.